Camille Mauclair

Lettre autographe signée, Paris, 4 juillet 1933, 2 pages in-16°, à Maurice Garçon.

Sublime lettre dans laquelle le poète sulfureux fait l'éloge de la nouvelle parution de son correspondant et se remémore les événements de l'Affaire Dreyfus en rappelant bien qu'il fut dreyfusard par goût de vérité, « certain de l'horrible erreur ».

À l'occasion de la parution de la Justice contemporaine, 1870-1932 (Bernard Grasset, 1933), Camille Mauclair félicite l'auteur et souligne particulièrement le chapitre sur l'Affaire. Il rappelle ensuite quelques souvenirs qui s'imposent après la lecture de son livre :

« J'ai vécu ce drame auprès de Clémenceau, j'étais et reste dreyfusard (ou plutôt, car il y a une nuance, certain de l'horrible erreur), j'ai été l'ami de Picquart : en vous relisant, j'ai revécu cette époque dont je n'ai oublié aucune des phases. »

Dans son compte-rendu pour la Revue d'Histoire Moderne & Contemporaine, Michel Reulos insistait sur les qualités de l'ouvrage : « Parmi les nombreux ouvrages récemment parus sur l'histoire récente ou contemporaine, nous devons noter celui de M. G. qui se distingue par une grande objectivité, d'ailleurs voulue, une documentation abondante et précise, un exposé très clair de faits souvent embrouillés. » (Reulos Michel. Garçon (Maurice), La Justice contemporaine, 1870-1932, 1933. In: Revue d'histoire moderne, tome 9, N°11, 1934. p. 87)

Ce soutien à Dreyfus - ou plutôt son goût de la vérité - qu'il ne niera jamais est d'autant plus impressionnant qu'il fut, sous l'Occupation, l'un des chantres de l'antisémitisme.

57 rue du Cherche Midi
4 juillet 33

Maître,

C'est avec le plus grand intérêt que j'ai lu votre ouvrage sur la Justice contemporaine, et je le conserverai précieusement. Il est impossible d'écrire l'histoire judiciare avec plus de concision, de clarté et d'impartialité. Entre bien d'autres, le résumé de l'affaire Dreyfus est une merveille.

J'ai vécu ce drame auprès de Clémenceau, j'étais et reste dreyfusard (ou plutôt, car il y a une nuance, certain de l'horrible erreur), j'ai été l'ami de Picquart : en vous relisant, j'ai revécu cette époque dont je n'ai oublié aucune des phases. Mais tous vos exposés sont excellents. Ils montrent ce que vous ne dites point, laissant parler les faits : l'abominable invite à la « panne de conscience » que la politique adresse à la justice, vraiment trop souvent.

Si objectif que vous vous imposiez d'être, vous avez récrit par ses dessous et par recoupements l'histoire vraie d'un régime dont la foule ne sait que les apparences. Votre travail a été fort lourd ; il manquait, et on le consultera souvent. Permettez-moi de vous en faire tous mes compliments, en vous exprimant mes sentiments, de grande sympathie pour votre beau talent.

Camille Mauclair