Camille Mauclair

Camille Mauclair

Manuscrit autographe signé, 1933, 10 pages in-4°, titré « L'Art de Mrs. Archer M. Huntington ».

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En détail

Manuscrit autographe signé, sans lieu, 1933, 10 pages in-4°, titré « L'Art de Mrs. Archer M. Huntington ».

Bel article qui présente la vie et l'œuvre de la sculptrice américaine Anna Hyatt Huntington ; l'auteur étant impressionné par le talent et la maîtrise de l'artiste, ainsi que par sa capacité à rester fidèle aux principes classiques de la sculpture tout en évitant les influences et les tendances modernes.

Il mentionne et commente plusieurs œuvres : une allégorie de la Jeunesse ; une élégante et harmonieuse sculpture de Diane et, surtout, son groupe équestre de Jeanne d'Arc, loué pour son unité, sa sobriété et son expression puissante, ainsi que sa statue du Cid, fougueuse et décorative, mais peut-être un peu trop complexe dans sa composition. Il souligne également l'influence des sculpteurs du XVIIIe siècle sur son travail et l'importance accordée par la sculptrice à l'étude des animaux, élément essentiel de la formation d'un sculpteur.

Dans sa conclusion, Camille Mauclair, admiratif, suggère que l'artiste représente une forme de mentalité et de recherche spirituelle qui est souvent sous-estimée chez les artistes américains.

Ce texte a paru dans Le Manuscrit Autographe (n°41 - Janvier-Février-Mars 1933).

L'ART DE MRS. ARCHER M. HUNTINGTON

L'idée des animateurs du Manuscrit autographe peut être aussi efficace qu'elle est généreuse : resserrer ou créer, entre les Etats-Unis et nous, ses liens spirituels encore trop faibles et trop rares. Malgré les efforts récents, deux grands pays se connaissant imparfaitement, et leurs âmes ne s'interpénètrent point autant qu'il le faudrait pour leur bien et le bien du monde. Nous nous trompons sur la mentalité véritable de l'élite des Etats-Unis ; et la sienne, en toute bonne fois, s'égare assez souvent encore dans son appréciation de la nôtre. Notre tâche, notre devoir, notre joie aussi, nous conseillent de tout faire pour dissiper les malentendus. Les Américains viennent à nous avec une curiosité passionnée de notre passé, dont ils savent tout le prix : notre public s'informe trop peu de l'esprit de ces hôtes, et de leur très fière et très belle volonté d'ajouter des valeurs intellectuelles à l'énorme apport industriel et économique dont on les a, jusqu'ici, crus seulement capables. Il y a là une sorte d'injustice qui prolongerait une mésentante si une revue comme celle-ci n'intervenait pour mieux révéler les poètes et les artistes américains.

En présentant ici une femme-sculpteur américaine du plus sérieux talent, je ne crois donc pas seulement payer un équitable tribut à une individualité : je tends aussi à relier cette étude à l'idée plus générale et plus haute du Manuscrit autographe.

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L'Amérique, formée loin de nous, n'a jamais renoncé à sa part de patrimoine mora laissée en Europe. Dans sa période d'organisation, au XVIIIe siècle, elle elle ne pouvait encore qu'importer les modes britanniques et celles de cette France qui l'avait aidée à naître. La ville de Washington fut dessinée par des élèves de Gabriel, et ce sont des disciples de Reynolds qui firent outre-océéan les premiers portraits. Mais la second moitié du XIXe siècle a vu les jeunes artistes américains se dégager résolument de l'influence anglais et se tourner vers nous. C'est à Paris que se sont formés John Sargent, John La Farge, A. Saint-Gaudens ; et le grand James Whistler, dont j'eus l'honneur d'être l'ami, fut l'élève de Courbet et le compagnon des impressionnistes alors qu'il opposait son humour sarcastique aux théories des préraphaélites londoniens. J'ai connu dans ma jeunesse bien des peintres amériains venant encore à Barbizon chercher les leçons d'une noble génération de poètes du paysage forestier. J'ai conversé assez souvent avec ceux qui travaillent si bien à l'école de Fontainebleau. Chez mon cher Rodin, qui les estimait tant, j'ai rencontre bien des statuaires, hommes et femmmes, avides des enseignements de son génie. Tous ces artistes ne s'assjuttissaient point à l'apprentissage en France avec une arrière-pensée de pastiche. Ils demandaient à nos disciplines, nées d'une expérience séculaire, de leur apprendre à marcher seuls. De notre art historique, rien à retenir pour eux : mais nos paysagistes, nos portraitistes, les attiraient, et aussi nos peintres de l'élégance et de la beauté feminines, pour lesquelles ils ont tant de respect et de délicat amour, et qu'aucun d'eux ne supporterait de déformer et d'enlaidir comme l'ont osé certains de nos « fauves ». Si le mot « distinction » a encore un sens, c'est devant les portraits de femmes de l'école américaine moderne.

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La Jeanne d'Arc montre en Mrs. Huntington une volonté toute classique, ce qui ne veut nullement dire « académique ». Il sied de la féliciter, comme presque tous les artistes américains d'ailleurs d'être restée indemne de tous les sophismes récents. La sculpture n'a point été contaminée comme la peinture. Le démon de l'absurde est sans pouvoir sur elle. C'est un art sainement soumis à des lois physiques, et qui ne saurait, sans impuissance et sans effondrement immédiat, violer cette condition de la crédibilité qui est la limité naturelle de toute création plastique. Qu'on interprète, qu'on déforme même, cela ne peut être osé qu'après une étude préalable, longue et minutieuse, des formes normales : mais il faut que ce qu'on montre reste toujours « croyable » pour le spectateur. L'oubli de cette nécessité a conduit trop de peintres modernes à l'impasse. L'exagération du principe de la statuaire réduite à une combinaison de volumes reliés par des plans n'a pas été moins nuisible en engageant des sculpteurs bien doués à une affectation d'archaïsme abrupt. Le dogme exclusif de « la taille directe » a été, par son abus, une autre cause d'erreur. Mrs. Huntington a évité tout cela. Elle ne s'est attachée qu'a exprimer la vie. Sa statue du Cid, érigée à Séville, en offre un nouvel exemple. C'est encore sur un lourd cheval de guerre qu'elle a roidi le corps vigoureux du campeador moulé dans son haubert de mailles, le bouclier conique au bras gauche, la pique à oriflamme brandie par le bras droit, demi-nu et noueux. La tête est d'une expression superbe. L'ensemble est décoratif à souhait, et les modelés sont irréprochables. Il fallait que cette œuvre destinée à célébrer le héros castillan dans une cité espagnole fût fougueuse. Il semble cependant que l'arabesque en soit un peu trop compliquée, malgré la façon très-intelligente dont l'artiste a équilibré le pied gauche et la queue convulsive du cheval, et placé obliquement la ligne de la lance, si difficile à bien disposer dans une composition de ce genre. La Jeanne d'Arc a plus d'unité, sa puissance est plus sobre, l'intérêt de l'expression y est plus concentré, la masse équestre y est plus homogène. Ce Cid n'en est pas moins un témoignage très remarquable du savoir et de l'énergie d'une femme s'attaquant à ce qu'il y a de plus malaisé dans le métier qu'elle a choisi.

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Une autre création de Mrs. Huntington montre encore sa hardiesse réfléchie. C'est son allégorie de la Jeunesse. Elle l'a figurée par un jeune homme en costume moderne matant un cheval qui se cabre. Tout à la joie de l'effort et de la domination en plein air et en pleine lumière, le dompteur lutte avec l'animal, et c'est encore une occasion pour l'artiste d'étudier les chevaux dont elle semble avoir la passion. L'œuvre est nettement d'intention décorative, et elle évoque les Coursiers de Marly et la sculpture large et aisée que notre XVIIIe siècle destinait aux édifices et aux parcs. Inscrite dans un schéma triangulaire, cette composition est d'un belle équilibre et doit se présenter avec force et séduction sur un ciel. L'auteur y a pensé en simplifiant les modelés et en veillant avant tout à une judicieuse répartition des volumes. Et c'est bien d'un poème juvénile qu'il s'agit.

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Il m'est impossible ici de les citer tous, puisqu'il s'agit d'une production importante et déjà très longue, à propos de laquelle un critique français espère seulement appeler l'attention et la sympathie sur une éminente artiste des Etats-Unis. Je veux pourtant parler encore d'un ouvrage délicieux. C'est la Diane dont des répliques se voient au Fogg Museum de Boston, à la Syracuse University de New York (dont Mrs. Huntington est doctoresse), à l'Université d'Austin et à l'Audubon Park de la Nouvelle-Orléans. Dans l'invention et l'exécution de cette Diane, l'artiste a gardé, et même rassemblé, toutes ses qualités : mais elle a été pleinement féminine. Ses monuments équestres, ses animaux, pouvaient déceler une vigueur toute virile. Ici, un poème de grâce apporte son charme presque inattendu. Diane est nue, sauf une légère écharpe qui contourne ses hanches pour s'enrouler négligemment à son bras droit, tandis que le bras gauche dresse vers le ciel l'arc d'où la flèche infaillible vient de s'échapper. Ce nu, cambré dans le mouvement de la course et dans l'effort du tir, est un des plus souples et des plus purs que j'aie rencontrés depuis longtemps dans l'art contemporain. Pour accentuer encore l'élan de cette figure fuselée montant avec une sveltesse de jet d'eau, l'artiste l'a exhaussée sur une petite sphère qu'effleure à peine l'orteil, et auprès de laquelle gambade et jappe un chien de chasse. Assurément, devant cette combinaison de courbes élégantes savamment soutenues par d'heureux accidents de détails asymétriques, on peut songer à l'influence qu'un Girardon, un Falconet, un Clodion, ont exercée sur l'esprit de l'auteur : mais cet hommage à nos maîtres du XVIIIe siècle se garde de totu pastiche et de toute servilité. Il est dans l'évolution de l'art des trouvailles si parfaites qu'elles ont exprimé certaines choses, semble-t-il, une fois pour toutes, et que logiquement on est amené à y revenir parce que la loi de leur parfait accomplissement ne saurait changer. En ceci encore, cette Diane est profondément classique. Mais elle est pourtant personnelle et nouvelle, car elle a été « repensée » par un sculpteur d'aujourd'hui comme les figures tanagréennes furent repensées par Colodin. Et le résultat, je me plais à le répéter, est délicieux.

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Voici donc quelques aperçus sur l'œuvres d'une Américaine de grand talent. Je voudrais espérer qu'ils ervissent avant tout à montrer qu'il existe aux Etats-Unis non seulement une formation française, mais une mentalité qu'on soupçonne vraiment trop peur chez nous ; un profond besoin de spiritualité se révèle de plus en plus sous le masque apparemment satisfait du luxe et de la plénitude industrielle. C'est en ce sens que se vérifie la saisissante formule d'un poète tel qu'Armand Godoy : « Les étoiles auront leur revanche. » Ce que l'élite américaine, au premier rang de laquelle Mrs. Huntington s'est placée, vient nous demander, c'est le retour à la Primauté du spirituel par le chmin des chefs-d'œuvre de notre sol et de notre histoire. A cet appel, ces chefs-d'œuvre exigent que nous répondions. Ils ne nous ont été accordés que pour que nous les donnions à notre tour, afin que d'autres merveilles soient engendrées : car, dans notre domaine éternellement étoilé, le mot « étranger » n'a aucun sens.

Camille Mauclair

Références biographiques
Camille Mauclair
Camille Mauclair

Camille Mauclair (1872-1945), nom de plume de Camille Laurent Célestin Faust, est un poète, romancier, historien d'art et critique littéraire français. Il fut un vichyste convaincu, chantre de l'antisémitisme sous l'Occupation. Disciple de Stéphane Mallarmé, et parmi les meilleurs historiens du symbolisme, Camille Mauclair collabore à de nombreuses revues.

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Caractéristiques
16-20
Type
Manuscrit autographe signé
Date
1933
Nombre de pages
10
Format
In-quarto (in-4°)
Langue
Français
Sujet
Art
Journalisme
Conservation
Marges légèrement effrangées.
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