Charles Nicolle

Lettre autographe signée, Tunis (Tunisie), 20 décembre 1922, 2 pages in-8° sur papier à en-tête de l'Institut Pasteur de Tunis, à Léon Daudet.

Belle lettre dans laquelle le microbiologiste Charles Nicolle présente le médecin français Émile Leredde et témoigne de son profond attachement envers ce dernier, qui semble s'être renforcé avec le temps. Il sollicite l'aide enthousiaste de Daudet pour une question particulière qui intéresse Leredde.

Nicolle mentionne également l'intérêt qu'il porte aux débats animés entre Daudet et Briand à la Chambre, contrastant avec son propre travail éreintant.

Effectivement, l'année 1922 a été mouvementée à la Chambre : Aristide Briand a démissionné de son poste de Premier ministre après avoir été désavoué par le président de la République, Alexandre Millerand, suite à une motion votée par le Bloc national, soutenu par Léon Daudet et ses partisans de l'Action française. Cette motion réclamait le rappel de Briand et a conduit à la nomination de Raymond Poincaré à la présidence du Conseil.

Nicolle exprime enfin son désir de revoir son ami et évoque un certain Bessis, un Juif qui a proposé au gouvernement de céder une partie de ses terrains à Carthage en échange de la création d'une cité portant son nom.

Les frères Nicolle, Charles et Maurice, furent des camarades d'enfance de Léon Daudet, entamant conjointement leur parcours d'études médicales. Originaires de Rouen, ces deux frères étaient également familiers des cercles parisiens de la célèbre famille Daudet, notamment des jeudis d'Alphonse Daudet à Paris et à Champrosay.

Tunis 20 décembre 1922

Mon cher Léon, je te présente Leredde. Ce n'était pas la peine, n'est-ce pas. Il y tient pourtant. Est-ce pour que je te dise que j'ai toujours pour lui la même affection ?

Je l'ai toujours et même, je crois, plus grande.

Leredde va t'entretenir lui-même de la question qui l'intéresse. En raison de l'espèce d'individus dont il s'agit, je ne doute pas que tu ne sois enchanté de lui venir en aide. Il y a des peaux de tambour qu'on est heureux de crever.

Je m'amuse follement à lire tes dialogues avec Briand à la Chambre. Quel métier plus gai que le mien tu as sû prendre. Je suis en train de [rature] claquer tout simplement sous la besogne que j'assume. Et j'en assume un peu plus chaque jour. Triste perspective.

Mais je te garde une affection et, comme je pense bien que tu me gardes la tienne, cela me tient chaud parfois.

Quand pourrais-je te voir ? Lorsque je passe à Paris tu n'y es pas et tu n'es pas encore venu visiter ta clientèle judaïque à Tunis. Tu sais qu'un Juif qui se nomme Bessis a proposé au gouvernement de lui céder une part de ses terrains de Carthage (il en possède les 4/5) à condition qu'on denomme cette [raturé: ville] cité et l'appelle Bessisville.

Après cela, je n'ai plus qu'à céder la place à Leredde, non sans t'avoir embrassé

C Nicolle