Charlotte Vanhove

Lettre autographe signée, [Brunoy], 6 messior [an XIII] (25 juin [1805]), à Constance de Théis.

Très belle lettre amicale à la poétesse Constance de Théis. Elle raconte son déménagement à Brunoy, la maladie de nerf du célèbre acteur Talma, son mari, qui le pousse à fermer le théâtre. Il est soigné par le célèbre médecin Corvisart et mentionne son régime.

« [...] nous sommes une société de malades de corps ou d'esprit [...] ».

Elle mentionne ensuite ses relations : La Gréné, la baronne Sophie de Bawr (la femme du philosophe Saint-Simon), sa sœur Manette... En parle ensuite du succès des Templiers de Raynouard et de Mme de Sévigné de Bouilly. Elle rendra visite au médecin Alibert à Paris et au dramaturge Jean-Louis Laya et demande à Constance de faire parvenir ses amitiés à Joseph de Salm-Reifferscheidt-Dyck, son mari.

Rare témoignage de la bonne société des premières années de l'Empire.

ce 6 messidor

Combien vous êtes aimable ma chère et combien et combien je serais coupable si l’indifférence ou la négligence était cause du retard que j'ai mis à vous répondre, au reçu de votre première lettre j'étais aussi à m’installer dans mon château. Les horreurs d'un déménagement, les fatigues, tous les embarras qu'entraîne un déplacement à six lieues de distance m’avait tout à fait abattue ; et je n'étais capable de rien sinon d'éprouver une très grande satisfaction en lisant les détails de votre réception, elle est telle que vous pouviez la désirer. Dans tous les cas je m'en rapportais à votre excellent esprit pour arranger les choses à votre gré, vous n'avez eu besoin que de votre présence ma bonne ce qui vaut encore mieux pour moi, je suis maintenant établie à Brunoy. Ce n'est pas sans peine mais sur tout ce n'est pas sans chagrin ; au moment de jouir, mon bon Talma vient d'être attaqué d'une maladie de nerf qui ne lui laisse point de relâche. Corvisart que nous avons consulté pense qu'une disposition aux abstractions peut en être la cause ou la suite ; son régime consiste à monter a cheval, a prendre les jus d'herbes, les eaux de Vichy et a rester a la campagne. Vous avez pu voir dans les journaux qu'au moment de jouir il a été attaqué d'une telle force qu'il a été forcé de faire ferme le théâtre, juger ma bonne du tourment que cela me donne ; je sais bien qu'il ni a point de danger, que ce n'est pas ce qui s'appelle une maladie, mais mon pauvre ami souffre et moi je ne suis pas a mon aise. Vous voyez que mon été se prépare mal. J'ai toujours, eu pour vous une amitié bien tendre, mais je ne vous ai jamais tant souhaitée. J'aurais besoin de votre raison pour me remettre la tête de votre aimable gaîté qui sans doute opérerait mieux que tous les jus du monde sur mon pauvre malade et d’autant plus que tout semble se réunir pour donner une tinte de tristesse à nos entours ; La Gréné vient de perdre son père, nous avons un oncle à l'agonie, cette bonne [----] relevé de maladie et vient à la campagne pour se refaire, Mme St Simon maintenant Mme Bawr a loué près de chez moi une petite maison. Ce qui me fait grand plaisir mais je crains pour sa poitrine. Ma sœur Manette a aussi des maux de nerfs, nous sommes une société de malades corps ou d'esprit. Vous voulez savoir des nouvelles théâtres, je ne puis vous parler que du mien, car vous savez que je fréquente peu les autres. Vous savez que nous sommes enfin désensorcelé que les Templiers ont eu un succès bien mérité car il y a des beautés du grand ordre. Geoffroi s'est traîné dans la boue, il s'y est noyé grâce au ciel. Quant à Mme de Sévigné de Mr Bouilly on dit ici que le stile de l'un et de l'autre sont deux rivières qui coulent ensemble sans mêler leurs eaux et que cela fait une disparate tout a fait originale.

Je me charge bien volontiers ma bonne de votre commission pour Alibert c'est un homme de beaucoup d'esprit et que nous aimons, a mon premier voyage à Paris je lui rendrai tout ce que vous me dites d'aimable pour lui ainsi qu'à Laya.

Chargez vous a votre tour de nos amitiés pour monsieur de Salm nous l'aimions à cause de vous, et depuis que nous le connaissons nous l'aimons en davantage à cause de lui.

[...] tout ce qui m’entoure me charge de leurs compliments pour vous. Cette dernière est extrêmement sensible a l’intérêt que vous lui témoignez. Pour moi je vous embrasse et vous aime

de tout mon cœur
Caroline Talma