Émile Goudeau

Lettre autographe signée, [Paris], [1888], à Rodolphe Salis.

Truculente lettre adressée au créateur et propriétaire du célèbre cabaret parisien Le Chat noir.

Il est ravi du dernier numéro de la revue et lui annonce que les dessins de Willette sont un succès.

Il termine sur une phrase digne d'un Hydropathe : « En ce moment, je goûte les derniers baisers d'une phtisie pulmonaire ratée. J'ai toussé la valeur exacte de 300 pituites. Tu penses !!!! [...] Es-tu content de la nouvelle imprimerie ? Et le Chat noir ? Comment va tout ce monde sublunaire, lunaire & lunatique. »

Rodolphe Salis avait rencontré Émile Goudeau quelque temps auparavant avant la fondation du Cercle des Hydropathes, qu'il avait convaincu de transférer dans son établissement, lesquels se réunissaient jusqu'alors sur la rive gauche. Très rapidement, les poètes et les chansonniers qui se produisent au Chat noir attirent la meilleure clientèle de Paris.

Pour assurer la promotion du cabaret, Rodolphe Salis et Émile Goudeau créent un périodique hebdomadaire intitulé Le Chat noir, dont 688 numéros paraissent du 14 janvier 1882 à mars 1895 puis 122 numéros supplémentaires dans une seconde série dont le dernier est publié le 30 septembre 1897. Elle incarna l'esprit « fin de siècle » et avait pour collaborateurs les chansonniers et les poètes qui se produisaient dans le cabaret ainsi que les artistes qui l'avaient décoré : Caran d'Ache y donnait des scènes militaires et Willette des Pierrots et des Colombines.

Émile Goudeau s'est également fait connaître pour ses mystifications, tel son propre enterrement confié à la maison Borniol dans Le Chat noir transformé en chapelle ardente.

Mon vieux Salis

Très-bien le numéro-ci : au point de vue public à conquérir. Il a une petite allure sérieuse, tout en conservant ce qu'il faut de fumisterie.

Peut-être un peu fort le feu [Deschaumes ?] ; mais tant pis pour H : d'ailleurs la chasse aux canards est ouverte.

Demain tu recevras ma copie.

Si tu pourrais me faire parvenir mes numéros le dimanche matin, ce serait mieux. Enfin fais le possible.

Les dessins de Willette accusent les barbares. Juge un peu. C'est un succès, félicite au nom de la province la plus arriérée du globe notre excellent ami.

Dis à mon cousin qu'il s'attelle à une étude de Richepin (ça fera bien parisiennement parlant) puis à un Bourget.

En ce moment, je goûte les derniers baisers d'une phtisie pulmonaire ratée. J'ai toussé la valeur exacte de 300 pituites. Tu penses !!!!

Si tu vois mon frère, dis-lui donc de m'écrire.

Es-tu content de la nouvelle imprimerie ? Et le Chat noir ? Comment va tout ce monde sublunaire, lunaire & lunatique.

Mes respects à madame Salis, ma meilleure poignée de main.

Et aux autres mes saluts maritimes

Je te serre la main
Emile Goudeau

Ecris-moi donc, !
J'en arrive à ignorer l'Asphalte.