Felicia Vestvali

Lettre autographe signée, Berlin, 6 décembre 1876, 4 pages, sur papier aux armes inconnues, à Joseph de Filippi.

Sublime lettre de la cantatrice et tragédienne durant sa grande tournée à Berlin.

Elle raconte à son ami son arrivée en Allemagne et ses journées surchargées (« D'un jour à l'autre toujours jouer, et des répétitions, et des amis et des sociétés lesquelles on peut guère éviter, c'est en vérité trop. ») et évoque « le mal chez les artistes » : « qu'on les oublie trop vite ».

Elle mentionne ses succès et, surtout son rôle d'Hamlet. Pendant un certain temps, Felicita Vestvali a évité de jouer Hamlet en Allemagne. Quand elle l'a finalement fait à Hambourg, Berlin et Leipzig, la presse a rapporté que la plupart des spectateurs « venaient simplement pour l'étrangeté » et même en partie pour détruire une femme qui était assez courageuse pour jouer Hamlet. Mais ce fut un grand succès et elle obtint un silence respectueux.

Dans cette lettre, elle se désole de ne pouvoir jouer Hamlet à Paris : « avec le seul Hamlet, j'aurais fait courir toute la France à Paris pour me voir - car quoiqu'on ne peut pas admettre qu'une femme doit jouer ces grands rôles d'homme, on n'a jamais pu nier que je fus le plus grand Hamlet, aucun homme excepté. »

Malgré son nom de scène italien, Felicita Vestvali est en fait née en Allemagne (sa ville de naissance, Szczecin, est polonaise depuis 1945) sous le nom d'Anna Marie Staegemann. Elle était connue en Amérique du Nord comme « Vestvali la Magnifique » ou « Magnificent Vestvali » et était l'une des artistes préférées d'Abraham Lincoln et de l'empereur Napoléon III.

Elle était admirée pour sa beauté et sa voix contralto et pour son indépendance par rapport aux normes de la féminité de l'époque. Elle était une misandre et une star de théâtre ambitieuse, avec des liens avec le mouvement féministe, le mouvement naissant pour les droits des gays et des lesbiennes et avec les mouvements d'émancipation raciale et religieuse.

Pour en savoir plus sur Felicità von Vestvali et son fameux rôle, voir Tony Howard, Women as Hamlet: Performance and Interpretation in Theatre, Film and Fiction (Cambridge University Press, 2007).