Marquis de Morès

Lettre autographe signée, Paris, 24 mars 1890, à Armand Schiller.

Rare lettre dans laquelle le marquis de Morès souhaite utiliser son droit de réponse suite à un entrefilet peu flatteur paru dans Le Temps au moment des élections municipales de 1890.

« Les électeurs parisiens ne sont pas encore convoqués pour renouveler le conseil municipal mais, dès aujourd'hui, le pittoresque de la prochaine période électorale est assuré. Des candidats d'une espèce particulière donneront à ce combat pour l'édilité une physionomie un peu bizarre, très inédite, assez savoureuse. Nous voulons parler de quelques-uns des gentilshommes dont on a signalé la présence dans des réunions boulangistes. Socialistes, révolutionnaires, frottés de boulangisme et de cléricalisme, tels seront à peu près ces nouveaux candidats. » (Le Temps, 24 mars 1890).

La personne visée est bien évidemment le marquis, « candidat antisémite aux élections municipales dans le quartier des Epinettes (17e arrondissement) » (Le Temps, 26 mars 1890).

Le marquis de Morès fait partie des fondateurs de la Ligue antisémitique de France avec Édouard Drumont et à sa disparition, il fondera en mars 1891 sa propre organisation, Morès et ses amis. Il multiplie les duels, d’abord avec le journaliste et député de gauche Ferdinand-Camille Dreyfus. Une série d'articles dans La Libre Parole soutient qu’il faut « exclure tous les Juifs de l’armée française ». Se considérant insulté et désireux de sauver l’honneur des « trois cents officiers français de l’armée active qui appartiennent au culte israélite », l’un d’eux, André Crémieu-Foa, provoqua Drumont en duel. Mais il lui fut interdit de se battre par les autorités militaires. Un autre officier juif, le capitaine Armand Mayer, prit alors sa place face au marquis de Morès qui le tua à l'île de la Jatte le 23 juin 1892. Théodore Herzl s'inspira de ce fait divers pour écrire sa pièce de théâtre Le Nouveau Ghetto.

Paris le 24 mars 1890

Monsieur le Rédacteur-en-chef

Dans un entrefilet du Journal le Temps en date d'hier, vous appréciez à votre façon l'affiche que je viens de faire poser pour convoquer les électeurs des Epinettes à une conférence socialiste.

Il est de mon devoir de protester contre les citations erronées que vous faites de ce document. En vertu de mon droit de réponse je vous prie de vouloir bien insérer la circulaire suivante qui est la reproduction exacte de mon affiche.

Je vous prie d'agréer, monsieur le rédacteur-en-chef, l'assurance de mes sentiments de parfaite considération.

Morès