Maurice Laisant

Lettre autographe signée, Suresnes, 7 mai 1930, 4 pages in-8° sur papier à en-tête du 8^me Génie (Fort du Mont-Valérien), à sa mère Jeanne Laisant.

Chaleureuse lettre de Maurice Laisant adressée à sa mère, exprimant sa convalescence et les contrastes entre son passé de douce convalescence et sa réalité actuelle à l'armée, partageant ses lectures, évoquant l'attente de nouvelles de sa famille et discutant de musique avec ses camarades.

7 Mai 30

Ma chère petite Toumé

Me revoici debout. Depuis Lundi 5h. Je n'ai rien dans le ventre, hier matin je suis allé à l'infirmerie pr la piqure, une au 2 heures après je commencai à m'en ressentir, hier soir je m'emmitouflai dans mon lit où je m'étais couché sitôt piqué. Ce matin après une nuit relativement calme me voici debout, non sans une forte douleur à l'épaule gauche, je ne pense pas pouvoir faire l'exercice demain si cela continue.

Hier je me suis abstenu de manger, comme il nous l'avait été conseillé, mais ce matin comme on nous laissait jeûner, je me suis rendu à la cantine ou je me suis envoyé un paquet de petit beurres.

Je repensais hier à mes convalescences, où la douce et paresseuse tiédeur de la chambre, où brûle un feu de bois, et la porte qui s'entrouve tout doucement sans troubler le silence, pour laisser passer quelque figure connue qui vient prendre des nouvelles du malade.

Hier c'était tout différent, la froide chambrée, le refrain banal d'une chanson à la mode qui vient trancher sur une conversation stupide, ou une plaisanterie de soldat qui s'embête.

Par bonheur j'avais mon bouquin de Courteline que j'ai dévoré. Aujourd'hui que je peux me relever, j'ai des lettres à écrire ce qui mangera mon temps.

Toujours rien de toi, hier, j'attendais impatiemment le courrier, il m'a apporté une carte de Charles qui est en ballade dans les Pyrennées.

Pour dimanche, j'espère avoir quartier libre, mais je ne sais à partir de quand.

Il y a le caporal de la chambrée voisine qui joue du violon, cela fait toujours plaisir en dépit d'un repertoire par trop éclectique : La réverie de Schumann, Le chant Hindou de Korsakoff, Flossie, Ma Louise etc....

Il y aussi un premier prix de conversatoire de violon, je n'ai pas juger de ses talents vu que je ne l'ai entendu jouer que du piano, instrument sur lequel il n'a aucun prétention, et dont il ne joue pas mal.

Son avis sur les violonistes m'a cependant semblé bizarre. [...] un son phenomenal et une bonne technique, Kubelik est un violoniste de foire, et Heifetz est celui qui possède la plus grande virtuosité.

Je finis la ma babillarde, amitiés à Jeanne, brasses à Roger et Lilice si elle est encore là. Toute ma pensée affectueuse à notre ami Jean que j'espère bien voir Dimanche. Ton fils aimé qui t'embrasse en attendant de le pouvoir le faire pour de bon.

Maurice

10h30. Le couriser vient de passer, rien. Pour Chaguiot j'ai omis de t'en parler dimanche. As-tu essayé de le retoucher

ML