Edmond Galland

Lettre autographe signée, sans lieu, [février 1846], sur papier Yvonnet.

Suite à la seconde représentation du Cheval du diable (drame fantastique en 5 actes et 14 tableaux d'Amable de Saint-Hilaire, d'après La peau de chagrin de Balzac, représenté pour la première fois au Théâtre du Cirque-Olympique le 3 février 1846), il transmet à son correspondant un article contenant un exceptionnel éloge de la pièce mais surtout d'Edmond Galland.

Mon cher monsieur Laurent

Dans votre numéro d'aujourd'hui vous rendez compte des succès de décors de la pièce du Cheval du Diable, permettez-moi de vous communiquer un petit article pour les acteurs, bien entendu que je m'oublierai pas.

« La 2^e rep^on du Cheval du diable, a été encore plus satisfaisante que la 1^ère. Décors, machines, tout a été avec un ensemble qu'on chercherait vainement ailleurs.

Il nous reste maintenant à parler des acteurs : souvent il est difficile dans des pièces de ce genre de faire une création dramatique, Eh ! bien dans cet ouvrage tout y est réuni ; aussi le public a-t-il applaudi le jeu pathétique de Mr Gautier celui si fin, si mordant de Mlle Sophie, mais ce qui a frappé, étonné, c'est le cachet dramatique qu'a donné à son rôle Mr Edmond Galland, jusqu'alors nous lui reconnaissions un talent qu'il avait de mettre à l'épreuve dans plusieurs ouvrages du répertoire de ce théâtre, notamment dans le prince Eugène, mais cette fois, il faut l'avouer, il a dépassé tout ce que nous croyions pouvoir attendre de lui, il a résumé en lui l'opération d'un artiste consommé ; le rôle est ingrat, difficile, ses difficultés ont été surmontées par son intelligence, nous l'avions vu dans plusieurs costumes de l'Empire jusqu'à présent nous pouvions douter s'il porterait avec la même aisance, la même grâce celui du moyen âge & surtout le costume oriental, tous, pour lui, lui ont semblé familier, quelle vérité dans son jeu ! Citons la scène ou la mère doit retirer des flammes la main de justice rougie par le feu, là, par un élan qu'on ne trouve que chez les artistes d'âme & de talent, il s'est fait pardonner l'odieux de son rôle. Je ne parlerai pas des 4 & 5eme actes ou d'unanimes applaudissements sont venus le récompenser de ses études.

Honneur donc à Mr Galland, courage je homme la carrière est belle à parcourir, votre avenir est certain, plus d'un théâtre voudra vous posséder, mais ils ne pourront rien, Mr Gallois, cet habile directeur ne laissera pas à un autre l'artiste qui vient de consolider son succès. »

Maintenant mon cher monsieur Laurent faite pour le mieux je vous en prie, bien avec tout ce qui est écrit ci-dessus. Je compte sur cette marque de bienveillance.

Et croyez-moi à toujours votre bien sincère et dévoué,

Ed. Galland
(acteur)