Henri Bergson

Lettre autographe signée, Paris, 17 juin 1914.

Quelques mois avant les premières déclarations de guerre - le 28 juillet, l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie -, Henri Bergson s'excuse de ne pouvoir se rendre à la « gracieuse invitation » de son amie car, « à Paris pour fort peu de temps », il est « écrasé de besogne ».

Toutefois, il s'en voudrait beaucoup de ne pas la voir avant son départ et planifie sa prochaine rencontre. À cette période, la popularité de Bergson est très grande, ses ouvrages sont déjà traduits en une dizaine de langues. Craignant l'influence néfaste de ses principales œuvres, l'Église catholique romaine inscrit à l'Index des livres interdits trois ouvrages de Bergson par le décret du 1^er juin 1914, soit une quinzaine de jours avant la rédaction de cette lettre.

On comprend donc que le fait d'être « écrasé de besogne » n'est pas une façon polie de décliner une invitation mais représente bien une période particulièrement intense pour le philosophe.

17 juin 1914

Chère Madame et amie,

Nous sommes désolés de ne pouvoir nous rendre à votre gracieuse invitation. Je suis rentré à Paris pour fort peu de temps ; je suis écrasé de besogne ; et il me sera impossible, tous ces jours-ci, de disposer de ma soirée. Mais je m'en voudrais beaucoup de ne pas vous voir avant votre départ.

Si vous le voulez bien, je viendrai causer avec vous dans l'après-midi ; cela m'est [raturé : be] beaucoup plus commode. Je vous écrirai dans [raturé : da] le courant de la semaine prochaine, et je vous proposerai le choix entre deux jours différents. Mille regrets, avec l'expression de mes sentiments les plus dévoués.

H. Bergson