Paul de Broglie

Lettre autographe signée, Broglie, 22 août 1875, 4 pages in-8° sur papier à en-tête de Broglie (Eure), à Charles Jourdain, à propos du sort de 5 élèves de l'école normale.

Charles Jourdain a pris une part active à la fameuse loi sur l'enseignement du 15 mars 1850, loi proposée par M. de Falloux et qui a donné au clergé la haute main sur l'enseignement. Il s'est attaché, dans la plupart de ses écrits, à allier la philosophie et la religion.

22 août 1875

Monsieur,

Quand j'ai vu M^r le ministre samedi dernier, je lui ai parlé du sort de 5 élèves de l'école normale retardés pour leur brevet simple, et je lui avais demandé de vouloir bien agréer la demande que le directeur de l'école a faite de les autoriser à passer l'examen du brevet au mois d'Octobre, nonobstant la disposition réglementaire qui exige le mois d'intervalle entre les deux examens. Je faisais valoir à Mr le ministre que plusieurs de ces élèves avaient été refusés pour l'instruction religieuse, et que j'avais gravement à plaindre de l'examinateur, M^r l'abbé qui a été d'une malveillance étonnante et qui a même fait à l'un des élèves une question inconvenante, en lui demande s'il pratiquait ses devoirs religieux. J'ajoutais que les élèves, même chrétiens pratiquants, ainsi refusé par un ecclésiastique qui leur parlait durement, et sans égard pour leur situation et celle de leur famille gênée dont chaque retard augmente les charges, étaient ainsi repoussés du côté des libres penseurs et portés à chercher leur appui dans la religion. M^r le ministre m'a dit alors qu'il ne lui semblait pas en principe qu'il y eut de difficulté à laisser ces jeunes gens passer l'examen en Octobre.

En rentrant à l'école j'ai appris que la demande des directeurs (dont M^r le ministre ne semblait pas se souvenir dans son entretien avec moi avait été officiellement refusée, et que les jeunes gens ayant échoué à l'examen seraient retardés jusqu'au mois de Mars.

Je vous serais bien reconnaissants si vous vouliez bien vous informer de cette affaire, et voir s'il ne serait pas possible de revenir sur une décision sévère que je crois vraiment n'être pas juste dans cette circonstance.

Permettez-moi en même temps de vous renouveler ma demande en faveur d'un avancement pour M^r Caralp, principal du Lycée d'Apt.

Voudriez-vous aussi dire à M^r le ministre que s'il veut demander à M^r le préfet de police communication d'un rapport confidentiel qui m'a été montré et y trouvera des faits dont la connaissance lui serait très utile.

Veuillez agréer, Monsieur l'expression de mes sentiments les plus respectueux et dévoués.

de Broglie