Paul Delombre

Lettre autographe signée, Paris, 4 janvier 1933, à Armand Schiller.

Impressionnante lettre de vœux qui se transforme en véritable prophétie pour l'année 1933. L'avocat, ancien ministre du Commerce, commence par remercier Armand Schiller de l'avoir soutenu lors de son renvoi du Temps, où il publiait presque quotidiennement depuis plus de 50 ans des articles sur la vie économique et sociale. Le volume qu'il lit sur l'Affaire Dreyfus a toute son utilité : « […] Les divisions actuelles ne sont pas moindres que celles qu'il évoque. Le monde entier est troublé. Et la crise, en réalité, est plus grave […] ».

Il prédit ensuite ce qui les attend en 1933 : « […] L'année 1933 s'annonce sombre, sinon sanglante. […] la civilisation est en péril de mort. […] » Il ne pouvait voir plus juste. Dans ses derniers jours (Paul Delombre décèdera 10 mois plus tard), l'auteur avait vu parfaitement les évènements tragiques qui allaient submerger le monde. 26 jours plus tard, Adolf Hitler devient chancelier du Reich.

89 rue de Monceau
Paris 8

4 janvier 1933.

Cher ami,

Je ne concevrais pas ce début d'année sans l'expression - oh ! bien imparfaite - de mes vœux pour vous et tous les membres de votre famille.

Il y a un mois environ, lors de la surprise que m'infligea la nouvelle direction du Temps, vous m'avez soutenu, de toutes vos forces, dans cette épreuve. Je vous reste profondément reconnaissant de cet appui.

Le coup me fut rude. Votre amitié n'a rien négligé pour me le rendre tolérable.

Merci encore !

[...]

Di, avertite Salem ! Eut-on clamé jadis. Ce sont mots dont le sens est à peu près perdu. Indifférences, complicités, se liguent ; la civilisation est en péril de mort.

Que les vrais amis se rapprochent !.. Je sors peu ; ma longue maladie m'a laissé une survivance de douleurs infiniment désagréables. Excusez-moi de ne pas allez vous voir. S'il vous était possible de me consacrer, chez moi, quelques instants, j'en serais tout rasséréné. Combien votre causerie me serait douce !

Cher ami, recevez, à défaut de ma visite, mes sentiments les meilleurs. Présentez, je vous prie, à Madame Armand Schiller mes hommages les plus respectueux.

Paul Delombre